Le bocage des Antonins, écrin protégé de Gâtine poitevine

Le projet de création de la Réserve naturelle régionale du Bocage des Antonins provient de la démarche de plusieurs passionnés d’un milieu naturel en pleine mutation, le bocage de la Gâtine poitevine. Localisé sur la commune de Saint-Marc-La-Lande, le bocage des Antonins regroupe sur une surface de 22,6 ha, 11 propriétaires et deux agriculteurs. Plusieurs de ces personnes se sont associées en 2007 pour créer une société civile immobilière (SCI) afin d’acquérir un ensemble de parcelles et conserver ainsi cet écrin bocager. L’association Deux-Sèvres nature environnement a également rejoint la démarche en réalisant de nombreux inventaires et en informant les propriétaires sur l’intérêt naturaliste et biologique du site. L’ensemble de cette dynamique a abouti en avril 2015 à la labellisation de ce territoire en réserve naturelle régionale, la première des Deux-Sèvres.

Vue aerienne du Bocage des Antonins @Jean Marie Rouvreau

Territoire d’histoire

La longue histoire du bocage des Antonins est liée à celle de l’ordre religieux des Antonins puis à celle de la famille Verriet de Litardière. L’ordre religieux des Antonins s’est installé à Saint-Marc-la-Lande entre le XIIIe et le XVIIIe siècle à la Commanderie qui servait d’hospice, de lieu d’accueil pour les pauvres et les pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle. À partir du début du XVIe siècle, ces moines ont construit la Collégiale, l’édifice de style gothique flamboyant le plus important des Deux-Sèvres. Les Antonins acquièrent une grande renommée en fabriquant un baume à base de plantes sauvages pour soigner « le feu de Saint-Antoine » ou « mal des Ardents », une maladie due à l’absorption d’un champignon, l’ergot du seigle, se développant sur les épis et qui sévit dans toute l’Europe entre 1085 et 1096. Parmi les 14 plantes médicinales utilisées par les moines, certaines inféodées aux zones humides sont toujours présentes sur l’étang des Forges localisé dans la réserve naturelle. Ce dernier fut probablement édifié par les Antonins pour la production de poissons. Les fondations et le système de vidange d’origine sont encore en place aujourd’hui ; la chaussée est empierrée et arborée, la bonde en bois est « à pilon » et la pêcherie est maçonnée en pierres de taille. Des pièces de bois retrouvées dans les boues de l’étang au niveau de la vidange ont été datées au carbone 14 à 1530-1540, il y a environ 500 ans, ce qui démontre l’utilisation ancienne du lieu.

À partir du milieu du XVIIIe siècle, l’étang et le bocage qui l’entoure appartiennent à la famille de Litardière. Né en juin 1888 à Mazières-en-Gâtine, René Verriet de Litardière est un botaniste français de renommée internationale. Son père Charles le sensibilise très tôt à la botanique en parcourant ensemble les chemins du département des Deux-Sèvres et les propriétés familiales, notamment le bocage des Antonins. Les informations répertoriées dans les carnets de l’herbier familial, que René entreprend de compléter dès l’âge de 9 ans, permettent d’apprécier l’évolution de la flore depuis 1898 sur la réserve naturelle. René Verriet de Litardière comprend très tôt l’importance de la géographie botanique et se déplace énormément. Il entreprend des voyages d’étude en Espagne et au Portugal, durant l’été 1910, et en Afrique du Nord en 1911. À l’occasion de ses périples en France, en Corse et dans toute l’Europe jusqu’en Méditerranée occidentale, il met en place un réseau de correspondants locaux qui lui assure une excellente connaissance de la répartition géographique des plantes. Homme de science et de lettres, il publiera plusieurs récits sur ses expéditions botaniques et plus de 150 contributions dans les bulletins des sociétés savantes. Il devient ainsi un spécialiste de réputation mondiale pour les fétuques et quelques autres graminées. Il est également reconnu comme un expert des fougères de France. Avec plus de 30 000 planches, il a constitué l’herbier privé le plus important en Europe. Cette collection est aujourd’hui conservée au jardin botanique de la ville de Genève à la suite du don effectué en 1996 par son fils Bernard Verriet de Litardière. Très attaché à la conservation du patrimoine naturel et conscient de la richesse et de la fragilité des milieux présents sur ses propriétés de Saint-Marc-la-Lande, René Verriet de Litardière s’est efforcé d’y maintenir la biodiversité, une volonté que son fils poursuivra après le décès du botaniste en 1957.

 Cordulie bronzee @Paulin Mercier  Chene tetard de la reserve @Alexandre Boissinot

Territoire de nature

Le bocage des Antonins concentre une part importante des milieux naturels et des habitats représentatifs d’un bocage traditionnel et héberge encore des espèces faunistiques et floristiques à forts enjeux patrimoniaux. Il peut être considéré comme un témoin paysagé et naturaliste de ce qui était présent en Gâtine poitevine avant les remembrements des années 1960. Étang pauvre en matière organique, mares et sources, prairies plus ou moins humides dédiées à la fauche et au pâturage extensif, haies pluri-centenaires contenant plus de 450 arbres têtards d’essences variées, landes et boisements en évolution libre… forment le paysage du bocage des Antonins. Parmi les 25 habitats naturels recensés et cartographiés, dix présentent un intérêt élevé ou très élevé au niveau régional et six sont d’intérêt européen. Ces derniers occupent plus d’un quart de la superficie du site.

Troupeau de vaches Parthenaise @Alexandre Boissinot

En quelques années, plus de 2 200 espèces ont été inventoriés sur ce petit territoire. Pas moins de 403 plantes (plantes à fleurs et fougères) sont répertoriées, soit un quart de la flore du département. Parmi elles, 56 ont un statut patrimonial reconnu du fait de leur rareté et/ou de leurs exigences, comme la littorelle à une fleur, la pilulaire à globules ou le flûteau nageant, trois espèces protégées en France. 33 espèces sont inscrites dans la liste rouge régionale du fait de leur disparition, à l’exemple de la châtaigne d’eau. Initié récemment, l’inventaire des champignons et des lichens (la fonge) compte déjà plus de 330 espèces, dont plusieurs champignons particulièrement menacés à l’échelle régionale, comme Entoloma asprellum, Hygrocybe miniata, Hygrocybe insipida ou encore Xerocomus ripariellus. Toutes ces espèces sont des indicateurs de la stabilité physicochimique des sols et de boisements anciens (continuité forestière).

La faune du site est particulièrement riche et compte plus de 1 400 espèces recensées sur seulement une dizaine de groupes étudiés :  41 mammifères, dont 16 chauves-souris, 136 oiseaux, cinq reptiles, dix amphibiens, 41 libellules, 40 sauterelles, criquets et grillons, 55 papillons de jours, 399 papillons de nuit, 186 araignées, 24 fourmis et plus de 500 coléoptères. De nombreuses espèces sont représentatives de la stabilité et de la complémentarité des milieux, comme la genette commune qui affectionne les boisements humides du site et utilise les cavités des arbres têtards comme gîte ou encore la grenouille rousse qui se reproduit dans les dépressions des prairies humides et qui utilise ensuite les ruisseaux comme corridors de déplacement pour rejoindre les boisements.

Territoire de formation

Outre sa richesse paysagère et biologique, le bocage des Antonins est un site de formation et d’éducation à l’environnement. Du fait de sa réglementation, le public n’y a pas librement accès ; néanmoins de nombreuses sorties nature y sont organisées chaque année sur des thématiques variées (faune, flore, prairie et élevage…) ainsi que des conférences traitant du bocage. Le site est également visité régulièrement dans le cadre de formations professionnelles. Depuis 2012, des chantiers pédagogiques sont organisés avec des étudiants en BTS Gestion et protection de la nature et en Bac professionnel Gestion des milieux naturels et de la faune. Ces animations permettent de sensibiliser chaque année entre 500 et 800 personnes, dont de nombreux scolaires, à la préservation de la biodiversité, des paysages bocagers et des pratiques agricoles associées. Deux-Sèvres Nature Environnement travaille également avec l’école des Petits Antonins dans le cadre de programme pédagogique ainsi que la Maison du Patrimoine et la Commune de Saint-Marc-La-Lande pour proposer des sorties naturalistes, des formations où des conférences en lien avec le paysage bocager.

 Le Fluteau nageant Luronium natans @Stephane Barbier  Plantation d'une haie avec l'école des petits antonins de Saint-Marc La Lande @Thierry Wattez

En conciliant économie agricole, maintien du paysage, tissu social et biodiversité, la réserve naturelle du bocage des Antonins se place au centre de nombreux enjeux de notre société actuelle.

Parcours pédagogique

Depuis 2021, un parcours pédagogique a été mis en place en bordure de la réserve naturelle. Le sentier au départ du parking communal est balisé en bleu et longe dans un premier temps la bordure de la réserve où sont installés des panneaux d’informations, une table pédagogique ainsi que des sculptures en bois. Un observatoire localisé sur la parcelle de l’étang des Forges permet d’observer le paysage et la faune des prairies et des milieux humides. Le retour se fait par la route en direction du bourg de Saint-Marc-La-Lande. Ce circuit de 1.3 km peut être complété par une autre boucle de 2,3 km, balisée en bleu également, qui permet de découvrir le bourg de la commune ainsi que la campagne environnante.

Texte : Alexandre Boissinot, conservateur de la Réserve naturelle régionale du bocage des Antonins, Deux-Sèvres nature environnement. Pour en savoir plus : www.bocage-des-antonins.fr , https://www.dsne.org , Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.